Tant pis.
La musique était ce qui nous avait liés.
Et ce qui nous a séparés.
J’ai rencontré Bill avant qu’il ne soit célèbre. On avait quatorze ans. Comme lui, je chantais uniquement par passion. Et comme lui, j’aimais monter sur les scènes des petites villes environnantes.
On s’était toujours bien entendus. On était pas loin de devenir inséparables quand j’avais dû partir. A l’autre bout de l’Allemagne. Beaucoup de larmes, ce jour-là. Et plus aucun contact par la suite. J’avais bien essayé de préserver notre lien qu’on s’était dit inébranlable, mais de son côté, aucune réponse. Rien.
J’avais ensuite eu rapidement vent de son succès. Et une réponse à son silence, même si ce n’était pas lui qui m’avait donné une raison. Alors, j’avais abandonné. C’était triste. Mais comme ça.
Moi, j’avais continué à chanter. Toute seule avec mon piano. Mon succès à moi se limitait à quelques salles et quelques centaines de personnes. Mais ça me suffisait. J’ai toujours fait ça par passion.
Puis le destin a eu envie de s’en mêler. Ou le hasard. A vous de décider.
Un concert, un ami commun. Tout s’était enchaîné très vite. On s’était retrouvés. Plus forts qu’avant. Comme nos sentiments.
Je l’ai suivi. Partout. J’ai tout abandonné pour lui. Et même la musique.
On avait dix-huit ans. On était cons. On était jeunes. Et amoureux. Vous savez, ces vieux clichés tellement romantiques que rien ne semble pouvoir faner ? C’était tout ce que notre entourage voyait en nous. Même nous, au départ, on y croyait.
L’amour ne peut pas faire de mal, hein ? Moi, je peux vous assurer le contraire.
L’amour ça finit toujours par faire du mal.
Plus il y avait de monde autour de lui, plus il s’éloignait. Quand je lui en parlais, il me rassurait en me disant que c’était rien qu’une impression. Personne ne pourrait jamais se mettre entre nous.
Non. Personne. Mais pas rien.
Au bout d’un an à essayer de me convaincre que c’était le cas, j’ai fini par craquer. Et j’ai voulu partir. Mais il m’a retenue. De toutes ses forces. Et on s’est souris à nouveau.
Une autre année est passée. Bill Kaulitz était désormais intouchable pour la plupart des personnes qu’il avait en face de lui. Une idole. Une image. Même avec moi.
J’arrivais plus à le comprendre. Alors je l’ai à nouveau menacé. Il disait qu’il m’aimait, qu’il avait besoin de moi, qu’il rentrerait plus souvent chez nous.
Il l’a fait. Mais son cœur restait sur scène. Et je m’étais bien rendue compte qu’il y resterait pour toujours. Plus jamais je ne l’aurais entre mes mains.
Pourtant je suis restée. Parce qu’il était ma vie, quoiqu’il se passe. Et quoiqu’il nous arrive. Je l’aimerais toute ma vie.
Mais le destin, ou le hasard, c’est toujours comme vous voulez, a encore une fois voulu jouer avec nous. Et comme il était mauvais perdant, il n’a pas joué en notre faveur.
Les jours passaient. Bill aussi. Il ne me regardait plus. Ou plus comme avant. Il ne parlait que de sa carrière. Et toujours à la première personne. Plus de « nous ». Plus de « toi ».
J’étais restée. Mais je n’en pouvais plus.
Alors ce soir, lorsqu’il est revenu dans sa loge, après le concert, déjà en manque, je n’ai pas pleuré. Je lui ai juste dit. Simplement. Trois mots. « C’est fini ». Il n’a pas compris tout de suite. Ou n’a pas voulu. Il a crié. Mais je n’ai plus parlé. Je me suis approchée. J’ai pris sa main. Je l’ai embrassé. Comme la première fois. Pour la dernière fois. Même si je savais que je l’aimerais toute ma vie.
Et je suis partie. Sans espoir de retour.
Parce que la musique était ce qui nous avait liés.
Et ce qui nous a séparés.