Un vieux truc.
Juste historie de poster quelque chose.
J’ai appris à aimer ses blessures et à calquer les miennes dessus. J’ai appris à embrasser ses brûlures et à me calciner les lèvres contre les siennes. J’ai appris à ignorer les secrets que me dévoilait son corps tremblant. J’ai appris à fermer les yeux sur les hontes qu’il tentait vainement de me cacher. J’ai appris à effleurer du bout des doigts les endroits où il avait le plus mal. J’ai appris chaque parcelle de son corps et comme avec une carte au trésor je me perdais dans les dédales de ses cicatrices. J’ai appris à croire en ses mensonges pour me nourrir de sa faiblesse. J’ai appris à aimer tout ça aussi. J’ai appris à aimer et à connaitre tout ce qui était moche en lui, tout ce qui faisait qu’aucun être humain ne peut être aimé éternellement.
J’ai appris à aimer notre échec.
Et malgré tout ça il m’a quitté. Malgré tout ça, un jour quand je suis sortie de ma douche ses placards étaient vides et l’odeur du gel douche envahissait la pièce, comme un réconfort trompeur. Une odeur artificielle pour panser cette douleur. Je me regarde dans le miroir, neurasthénique à jamais et je compte les larmes qui refusent de couler, drôle de couleur. Voila ce que je n’avais pas appris, triste ironie du sort. Je n’avais pas appris à être blessée par ses trahisons. Du moins je n’avais pas appris à le montrer, à montrer aux cieux de ses yeux comme mon cœur était atomisé par cette lutte sans guerre, cette guerre sans armes, quand les armes se sont ses bras qui m’enlacent. C’est une bataille perdue d’avance car nos corps ne se retrouveront plus jamais dans le noir de la pièce -de notre amour- et j’apprendrai à vaincre des démons absents, et à triompher des balles au cœur. Et pourtant cette guerre me met à terre, cette guerre qui gronde en moi -qui n’existe pas-.
Penchée sur le lit je me surprends à compter les plis dans les draps et à peser la chaleur qui reste de lui sur une balance cassée. Qui a dit que quand on aime on ne compte pas ? Moi je compte les secondes depuis que tu es parti et tu vois, j’en meurs déjà. Mais ça ne fait pas mal, parce que ça aussi je l’avais appris.
« Dans tes draps, j’ai appris à mourir. »
Quand tu me faisais l’amour et que tu regardais l’heure, je mourrais. Quand le soir, après avoir éteint la lumière tu me tournais le dos dans le noir, je mourrais. Quand je me réveillais et que tu étais déjà parti, je mourrais. Quand je t’ai dit « je t’aime » pour la première fois et que tu as ouvert un livre, je mourrais. Quand le soleil venait éclairer ma peau au matin et que tu fermais les rideaux, je mourrais. Quand je faisais le lit et que toi tu faisais tes bagages, je mourrais. Quand … Et la liste est longue, j’ai tout écrit sur un morceau de papier et j’ai appris à brûler les souvenirs mais trop souvent les cendres s’envolaient de la cheminée pour venir mourir dans nos draps. Je les ramassais pendant que tu allumais un feu et c’était le seul moment où je pouvais te voir sourire. Il n’y a que maintenant que je comprends pourquoi. Parce qu’au fond notre amour ne valait pas mieux que ça, j’étais le minable petit tas de cendre que tu venais de réduire à néant, pendant que toi, caché dans l’âtre froid de ta rancœur brûlante, tu jubilais. Et je me rends compte que j’avais oublié d’apprendre la haine que j’avais pour toi quand tu me regardais avec ce sourire là.
Alors quand je suis sortie de la douche et que j’ai vu ce lit défait, j’ai décidé que j’allais apprendre à renaître.