Regrets sanglants
Je ne l'ai pas tuée. Non, croyez-moi, je l'aimais. Plus que moi, plus que mon coeur écorché, plus que le ciel d'un soir magique, plus que l'Amour lui-même.
Elle était magnifique. La moindre particule de son être émanait la perfection. Elle était simplement, sublimement Unique. Une ora la suivait, elle rangait le sourire au fond de son coeur et le laissait s'échapper pour l'accrocher aux lèvres gercées des seuls détenteurs de la vérité.
Vérité poignante.
Je l'ai regardé une fois et mes yeux se sont englués au siens, s'accrochant désespéremment à ses iris translucides. En un regard, mon âme a saigné. J'ai agonisé, elle aspirait mes démons les plus lointains. Les prenait, et me vidait.
C'était un ange. J'ai tué un ange. Non, je ne l'ai pas tuée. Croyez-moi.
Elle, ça a continué avec un sourire débordant d'Espoir, des lèvres fraises et des dents éblouissantes. Décrire l'envie démesurée de relever doucement son menton et effleurer la douceur même, me paraît encore impossible. Elle m'appelait Tom, parce qu'elle disait que Tom me collait à la peau, que ces trois lettres étaient gravées sur la première phalange de mon index. Pourtant, moi, c'était Bastien. A présent, c'est Monstre.
Nos mains se sont entrelacés sous la Pluie, le jour elle m'avait crié de venir danser la Liberté éphémère sous les gouttes glacées. Elle était plus que magnifique, la seule a réellement exister cette seconde auparavant mourrante. Puis je l'ai prise par la taille, ses joues se sont colorées d'un rouge sang, puis elle a seulement relevé la tête, a dégagé sa mèche et a fermé les yeux.
Tout s'est effacé, c'est le moment où le Temps n'existe plus, il perd tout. Seul le coeur bat à tue-tête.
On s'est mélangé. La Lune chantait nos âmes perdus dans le gouffre sacré de l'infinie Bonheur. On aurait voulu jamais s'arrêter.
Le Jour de la Fin. Celle qui sonne et nous rappelle que le Temps existe et nous rattrape toujours. On n'a presque l'impression de mourir la minute qui pointe le bout de son malheur puant à plein nez.
Dans les bras d'un jeune homme. Il avait tout de plus que moi. Je ne le connaissait pas, je ne lui avait pas parler. Je l'ai seulement assomé, en espérant qu'il ne se souvienne jamais du contact féerique d'un ange.
Elle a hurlé. Mes oreilles crissait, mon coeur tremblait, les larmes étaient bloquées. Elle hurlait. Mes poings se sont serrés.
Elle est tombée sur un bout de verre trainant là, inscouciant, brillant.
La couleur de ses joues a disparue et s'est dispersée sur le bitume.
Son visage immortel sur le papier noir et blanc me regarde. Mon balançement d'avant en arrière énerve le monsieur à la robe noire.
Il me dit de ne pas sourire et ne pas bouger, de ranger cette photo et d'avoir l'air horrifié à chaque exclamation que j'entendrais.
Le marteau cogne sur le bois. Aucuns signes de chance espérée. Une vois s'élève. Peine. Mort. Dernières Volontées : Regrets.