Premier texte ici =)
Huhu le stress. Dîtes-moi c'que vous en pensez n_n
-J’ferais n’importe quoi, tu sais. J’mangerai plus de Milka, je jouerai plus au foot, j’arrêterai de fumer ces clopes roses qui font tapette. Plus de Leffe, plus de Hollywood menthe-réglisse. J’regarderai plus la Lune, plus les étoiles, je rirai plus comme un con, tout le temps, j’balancerai mon cœur du haut d’une falaise, j’boucherai mes oreilles au monde. J’me tuerai. Ou j’jetterai mes rêves dans la mer.
-Arrête. Pas tes rêves. C’est le plus important, tes rêves.
Elle entama un nouveau morceau. Trop de doubles-croches à la main gauche. Ca le dérangeait les doubles-croches, Julien. Il préférait les noirs pointées, ou les rondes, qui durent une éternité.
Les vagues fouettaient les pieds du piano et du tabouret. Droite, sur son siège, Léa était impassible. Ses doigts courraient sur les touches. Julien ferma les yeux.
108-112. Allegro. Bien trop vite, en tout cas.
-Julien, tu vas remonter. Tu me regarderas du haut d’la falaise, et puis tu rentreras.
-Léa…
-C’est vrai qu’elles font tapette, tes clopes roses. Mais tes Hollywood menthe-réglisse, c’est les meilleurs.
-Arrête.
-Allez. Remonte.
Julien ne bougea pas. Il resta allongé sur le piano à queue. Les nots, les doubles-croches, même quelques triples, qui résonnaient à ses oreilles. Allegro. Trop vite. Aussi vite que l’eau qui montait.
La vitesse d’un cheval au galop.
Il ne réfléchissait pas, il savait. Il savait qu’il n’abandonnerait pas sa jumelle.
-Tu sais, même si tu m’tendais la main, j’pourrais pas l’attraper. J’suis déjà bien trop profond. La mer a déjà engloutie mon cœur.
-Léa, arrête. Je t’aime, bordel. Je t’aime.
-Moi aussi, tu sais. Plus que tout. Plus que tous. Plus que tous réunis.
Petit sourire sur les lèvres pâles de la jeune fille. Et les notes. C’aurait pu être une image de paradis, vraiment. La mer, la falaise, le soleil qui se couche, un piano dans les vagues, une jeune fille qui joue des doubles-croches, un garçon allongé sur le piano, la tête vers le ciel. Mais ça n’en était pas une. Dommage.
-Arrête Léa. Allez viens. On s’en va.
-Tu t’en vas.
-MAIS ARRETE, BORDEL !
-Tu t’en vas.
Larmes au coin des yeux de Julien. Les vagues de plus en plus hautes. L’eau salée. Presque jusqu’aux genoux de Léa.
Et la mélodie. Les notes. Et la vitesse oppressante qui sert le cœur de Julien. Encore des larmes. Le garçon laisse le soleil brûler ses yeux. Il aime être éblouit, Julien.
Et c’est Léa qui l’a toujours éblouit le plus.
Là, encore, son calme et ses doigts qui font la course avec le temps. Léa et son piano, Léa et son sourire, Léa tout court.
Alors il respire l’air salé et sèche ses larmes.
-Non.
-Bientôt tu pourras plus remonter. Pars maintenant.
-Non.
-Julien.
-…
-T’es bête.
-Peut-être, oui. Peut-être même plus que toi. Mais je t’aime.
Léa sourit. Elle ne cherche pas à dissuader son frère. Elle n’a aucune chance. Alors elle ferme les yeux. Lui aussi.
Et elle joue.
Double-croches. 108-112. Allegro.
La vitesse d’un cheval au galop.
Quand la mer les a engloutis, eux et le piano, ils souriaient.
La dernière note de Léa fut un La.
Il rimait avec éternité.