Je cours. Encore. Encore. Il faut que je coure.
Le vent et les herbes hautes fouettent mes jambes nues. Ma robe d’été rouge passion vole autour de moi. Mon souffle se perd. Tant pis. Je ne peux pas m’arrêter. Mon cœur bat trop vite. Pas à cause de la course, non.
Encore et encore. Cours.
Il n’y plus de chemin pour y aller. Nous étions les seules à l’emprunter. Il s’est effacé. Avec Elle. J’accélère. Je manque de tomber, mes pieds se tordent sur le sol inégal. J’accélère. Je suis presque arrivée.
Ne pas reprendre son souffle. Je dois courir.
L’herbe se fait soudain rase. Je m’arrête un instant. Le vent est plus violent. Chargé de sel. La mer gronde. Le ciel est gris. Comme Ses yeux. Non, n’y pense pas. Je repars. Je descends la volée de marches à toute allure.
Toujours. Je dois courir. Encore.
Le sable ralentit à peine ma course folle. Je traverse la plage et cours le long de la grève. L’eau éclabousse ma robe. Le sel tiraille les éraflures sur mes jambes. Tant pis. Elle n’est pas là, je ne La vois pas. Elle n’est pas là.
Ne t’arrête plus. Cours.
La plage est longue, mais je ne la vois pas passer. Deux fois sa longueur sans aucun signe d’Elle. Où est-Elle ? Non. Je n’ai pas pu La perdre. Je m’arrête. Brusquement. Assez pour m’enfoncer dans le sable mouillé jusqu’aux chevilles.
Mes jambes tremblent. Ma poitrine se soulève par à coups. Mon souffle ne revient pas. Ou difficilement.
Où est-Elle ?
Ils me L’ont prise. Ils L’ont emmenée. Ils ne voulaient pas. C’est pour ça que nous venions ici. Où il n’y a personne. Parce qu’on s’aimait. Et que les autres ne le comprenaient pas.
Pourquoi… ?
Comprenant, à contrecœur, à contre-âme, à contre-tête, à contre-corps, je ne La reverrais pas. Alors j’hurle. Contre la mer. Contre le vent. Contre le monde entier. Contre tout. J’hurle à m’en déchirer la gorge. Et ça fait tellement mal que mes larmes coulent sans que je ne leur ai rien demandé.
Reviens.
J’ai mal. Au corps et au cœur. J’ai mal. Elle ne reviendra pas. Elle ne reviendra plus.
Alors, porté par le vent, j’entends son murmure.
« Ne m’oublie pas… »
Je me tais.
Il n’y a rien à faire.
Et je n’ai plus de voix.
Je n’en aurais plus jamais.
Alors je cours.
Reviens.