[J'crois que le titre résume tout,j'sais pas où je vais...]
Imaginez un petit appartement, trois pièces sous les toits de Paris.
Imaginez une chambre, grande, vide, poussiéreuse.
Au milieu, un lit défait, encerclé de vêtements gisants sur le parquet.
Ils sont deux, sur ce lit, serrés l'un contre l'autre. Théo et Katarina.
Ils ne dorment pas, ils ne sourient pas. Ils se regardent. Katarina est belle, dans sa robe d'été blanche et légère. Théo est simplement lui-même, torse-nu, jean déchiré, barbe naissante et cheveux ébouriffés.
-Tu sais, ce matin, j'ai croisé une fille dans la rue...Emily...Kat, j'suis désolé...C'est fini, je ne t'aime plus assez...
Emily...La Gamine...Cette gosse qu'ils avaient recueillie et avec qui elle avait dû tout partager, de sa salle de bain à Théo...Ca avait duré quoi, cinq ou six mois à peine, et la môme était repartie comme ça, sans un mot, avec pour seul bagage les quelques billets qu'elle avait gagné en tapinant chaque soir, là, en bas, dans la rue...
La jeune femme repousse la main de Théo de son ventre arrondi et se tourne dos à lui en fermant les yeux. Il ne verra pas ses larmes.
Elle se voit se lever, aller dans la cuisine et en revenir rapidement, un couteau dans chaque main.
-Tu ne me quitteras pas, Théo...
Elle sent la lame briser les côtes de son amant pétrifié, en tirant un plaisir bestial. Elle imagine sa robe tachée de rouge et Théo, mou sous l'acier froid.
Katarina ouvre les yeux...Tuer Théo ne mènerait nulle part...Elle le regarde alors, le détaille une dernière fois, grave dans son esprit tout ce qu'elle aime chez lui. Ses longs cils noirs, ses yeux verts éclatants, son corps mince mais musclé, le "chemin du bonheur" sous son nombril, la cicatrice épaisse sur son côté gauche. Elle pourrait retracer ce corps à l'infini, les yeux bandés.
-Tu me manqueras, Théo.
Il sourit faiblement, dépose un baiser sur le bout du nez de la jeune femme et replonge sa tête dans l'oreiller.
-Tu sais Kat'...
Sa voix étouffée parvient faiblement à Katarina.
-Pour le bébé, je viendrai aussi souvent que possible. J'veux pas manquer ça, hein...J'aimerais tellement être un bon père...
-Tu le seras, mon ange...Maintenant, va, vole, déploie tes ailes, que je puisse hurler la douleur de mon âme, en silence...
Théo se lève. Et s'en va.
Simplement.
Mais ça ne mène nulle part.
Il reviendra. Ils le savent tous les deux.